vendredi 6 octobre 2017

Zero Emission Valley : un projet malin pour amorcer la mobilité hydrogène

J'étais hier à Lyon, à l'Hôtel de région pour le lancement du projet Zero Emission Valley. Pour la première fois, une grande région, qui a la particularité il est vrai d'héberger une très grande partie de la filière*, a décidé de soutenir l'amorçage de la mobilité hydrogène. L'ambition affichée est de déployer 20 stations, alimentées par de l'hydrogène vert**, et de donner un coup de pouce financier de façon à ce que les 1000 premiers véhicules immatriculés soient proposés au même coût d'utilisation qu'un équivalent thermique.



L'idée est de sortir de l'éternel problème de la poule et de l'œuf. Au lieu d'attendre que les constructeurs sortent des modèles pour construire des stations, ou que les stations sortent de terre pour que les véhicules arrivent, il vaut mieux avoir une approche combinée. C'est le modèle qu'applique en fait Symbio, une PME française qui développe une pile à combustible et dont le range extender s'installe à bord d'une Kangoo ZE. Le véhicule est proposé à 30 000 euros H.T. En complément, Symbio propose d'installer une petite station pour flottes captives, avec un partenaire. C'est ce qui a été fait un peu partout en France, et notamment à travers le projet Hy-Way en région Auvergne-Rhône-Alpes avec 30 véhicules et 3 stations.


C'est donc ce modèle que va reprendre la région. Elle va jouer le rôle d'un architecte, en attribuant les emplacements des stations H2 en les conditionnant à l'utilisation de véhicules, comme par exemple dans des zones à fort potentiel économique. On obtient ainsi des petites flottes, dont le nombre va grossir et alimenter ensuite un besoin, qui convaincra plus facilement encore un Air Liquide à investir dans des stations de plus grande taille.


Pour le déploiement de cette Zero Emission Valley, la région fixe le budget à 70 millions d'euros, dont 15 pris à sa charge. Le reste passera par des partenariats public-privé et par des aides, que ce soit au niveau de l'Europe et de la France (Investissements d'Avenir).

Au-delà de ce coup de pouce, la région compte aussi investir dans la recherche pour développer des véhicules de type autocar, camion ou benne à ordures à hydrogène. La part R&D va venir gonfler le budget de 30 millions.  Donc, en tout c'est un effort à 100 millions. Et à coup sûr, une grande première.


Ce qui est malin, dans le timing du projet, c'est que l'annonce est intervenue à Lyon, le jour de la cérémonie de passation de la Présidence des quatre moteurs de l'Europe (régions Rhône-Alpes-Auvergne, Bade-Wurtemberg, Catalogne et Lombardie), et qui échoit à Laurent Wauquiez. Cela veut donc dire que le modèle pourrait se dupliquer dans d'autres régions d'Europe. C'est un pari, mais la France a bien gaspillé des millions pour expérimenter des véhicules électriques à batterie qui existaient déjà, alors que là il s'agit aussi au passage de de tirer vers le haut une filière française qui comprend les piles, les réservoirs d'hydrogène, les électrolyseurs pour produire de l'hydrogène vert et bien entendu les pompes elles-mêmes.

*80 % des acteurs français de la filière 67 projets H2 labellisés Tenerrdis et financés depuis 2005 219 M€ de budget total sur la filière 102 M€ de financement public 119 acteurs en région dont : 55 entreprises, 26 laboratoires de recherche, 8 collectivités Source : pôle de compétitivité Tenerrdis.
**15 électrolyseurs sont prévus dans le cadre du projet.