jeudi 14 septembre 2017

Le salon de Francfort est-il si électrique que cela ?

Le salon de Francfort se déroule cette année dans un climat très particulier. Le ton était donné lors des journées presse avec des militants de Greenpeace qui annonçaient la fin de l'âge du pétrole (avec un SUV Volkswagen planté dans le trottoir). Par ailleurs, beaucoup de marques communiquent sur l'électrique (nous verrons ce que ce mot recouvre), en particulier les Allemands qui cherchent probablement par ce moyen à calmer le jeu, face à la polémique sur le Diesel. Mais, comme je le dis souvent, il ne faut pas confondre électrification et voiture 100 % électrique à batterie. Le moteur à combustion n'est pas encore mort.



Et c'est d'ailleurs le message qu'a voulu rappeler Dieter Zetsche, en tant que Président de l'ACEA, l'association Européenne des constructeurs automobiles. J'ai assisté à son point presse, durant lequel il a expliqué que le Diesel restait indispensable pour atteindre les 95 g de CO2 exigés pour 2021. Pourquoi ? Parce qu'il consomme 15 à 20 % de moins. L'ACEA propose de baisser encore les émissions de 20 % d'ici 2030. Souhaitant être un acteur du changement, l'association veut bien faire des efforts, mais elle regrette qu'il n'y ait pas d'harmonisation en Europe pour les restrictions de circulation. S'agissant de l'électrique, Dieter Zetsche a indiqué que les constructeurs investissaient beaucoup dans ce domaine. Mais, il a rappelé aussi la réalité du marché (1,2 % des immats en Europe) et a souligné aussi que si les Etats veulent vraiment favoriser ce marché, c'est à eux de financer les bornes de recharge.


Venons-en maintenant aux annonces sur l'électrique. J'ai déjà évoqué le cas de BMW, dont le slogan est "le futur, c'est maintenant", qui a dévoilé un nouveau concept électrique : la Vision Dynamics. Un futur modèle en vue dans la gamme BMW i. Celle qui pourrait s'appeler la i5 et faire son apparition en 2020, affiche une autonomie de 600 km. Le constructeur bavarois dispose de 9 modèles électrifiés dans sa gamme. Il en a vendu plus de 50 000 depuis le début de l'année. Et ce n'est pas qu'un  coup de com', j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Robert Irlinger, le patron de BMW i. L'électromobilité est vraiment un choix affirmé à Munich, où on estime que le zéro émission (ou l'hybride rechargeable) n'est pas incompatible avec le plaisir de conduite.


Chez Audi, le concept Elaine est une évolution de l'e-Tron Sportback. La différence est que ce SUV coupé est autonome (de niveau 4). Il dispose de 3 moteurs électriques (pour une puissance de 435 à 503 ch) et peut rouler pendant 500 km avec une seule charge. C'est un avant-goût d'un futur modèle électrique prévu pour 2019.


Parmi les constructeurs qui jouent la carte de l'électrification, on peut citer également Mercedes. Ses pubs pour le label EQ sont visibles un peu partout. Il faut dire que la firme à l'étoile a fait assez fort, en annonçant une électrification de toute la gamme dès 2022.


Le modèle qui a le plus retenu l'attention est l'AMG Project One. Cette hyper car est une F1 de route, reprenant la technologie hybride utilisée sur la monoplace de Lewis Hamilton. Elle va même plus loin, avec 4 moteurs électriques, dont deux pour diriger les roues avant, un dans le moteur et un autre intégré au turbo. Avec une puissance de 1000 ch et une vitesse de plus de 350 km/h, Mercedes a visé la performance, pas vraiment la qualité de l'air.


Par contre, le salon a également été l'occasion de présenter le concept EQA, un crossover avec 400 km d'autonomie et une puissance de 200 kW procurée par deux moteurs électriques.


Mercedes complète la démonstration avec son GLC à hydrogène. La version FC (pour Fuel Cell) combine en fait une pile à combustible et une batterie lithium-ion, de façon à prolonger l'autonomie de 50 km s'il n'y a pas de station à hydrogène dans les environs. Le rayon d'action est de 500 km avec un plein qui ne prend que 3 mn. La puissance est de 147 kW, ce qui est supérieur aux autres modèles avec pile à combustible.


L'hydrogène dès maintenant ? Oui et non. Même si certains constructeurs le proposent dès maintenant, c'est plutôt une solution amenée à se développer après 2025. L'équipementier Plastic Omnium y croit et entend bien produire des réservoirs à hydrogène (tout comme Faurecia d'ailleurs). Il le montre une fois de plus avec ce concept qui donne sa vision pour 2030.


Et chez les généralistes ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, le groupe Volkswagen a annoncé qu'il portait à 20 milliards d'euros ses investissements dans l'électromobilité d'ici 2030. Il veut produire 80 modèles électrifiés (50 modèles 100 % électriques et 30 plug in) d'ici 2025. Et il y aura d'ici 2030 une version électrifiée de chacun des 300 modèles du groupe !


Sans être aussi grandiloquent, Honda s'engage dès maintenant à intégrer une technologie d'électrification dans tous les nouveaux modèles qui sortiront en Europe. Ce sera le cas par exemple en 2018 du CRV hybride, puis du modèle dérivé de l'Urban EV dont la sortie est attendue en 2019. En ce qui concerne Renault, je reviendrai demain sur le concept Symbioz, qui se veut une vitrine des futures technologies liées à l'électrique (mais aussi de la connectivité et de l'automatisation).


En fait, beaucoup d'acteurs (Bosch, Schaeffler, Valeo, ZF...) communiquent sur l'électrification et apportent des solutions pour réduire les émissions de CO2, du 48 v au 100 % électrique. Mais, ce n'est pas pour autant que toute l'industrie automobile va basculer dans l'électrique. Et ce,  même si des signes forts viennent de Chine (qui veut interdire les moteurs thermiques). Au-delà du buzz, il faut se demander comment sera produite toute l'énergie pour alimenter les futures voitures électriques. Sans le nucléaire, ça va être difficile et il serait quand même cocasse que des centrales à charbon viennent aggraver la qualité de l'air. Et cela fera ensuite beaucoup de batteries à recycler. A ce propos, on m'a affirmé que les chinois avaient prévu de les enterrer en fin de vie.

Ca laisse quand même rêveur, ce décalage entre une technologie que l'on vend comme plus propre à l'opinion et la réalité.