vendredi 8 septembre 2017

La simulation : une étape obligée pour le véhicule autonome

Jusqu'à présent, le développement de nouveaux modèles nécessitait des millions de km avant la production en série. Avec le véhicule autonome, c'est plutôt en milliards qu'il faut raisonner, afin de proposer un produit fiable. C'est la raison pour laquelle les constructeurs doivent investir dans la simulation. Renault va ainsi se doter d'un tout nouveau simulateur de pointe à l'horizon 2019. Il a pour nom ROADS (Renault Optimization Autonomous Driving Simulator) et va lui coûter 25 millions d'euros.


Ce projet se fait dans le cadre d'A.V. Simulation, la nouvelle co-entreprise entre Renault et Oktal (une filiale de Sogeclair, entreprise de simulation et d’aéronautique française basée à Toulouse). Le losange travaille depuis des années avec ce partenaire, avec qui il a développé SCANeR, un logiciel de simulation de conduite leader dans le monde, déjà utilisé par Renault et Nissan, ainsi que par d'autres entreprises.


Le tout nouveau simulateur sera installé dans un nouveau complexe de 2 000 m2, au sein du Technocentre. Monté sur des rails, cet outil pourra se déplacer  d’une trentaine de mètres sur deux directions. Il disposera d'une plateforme de lacet de 180° pour la conduite en ville, d'un dôme 360° avec une image 3D ultra-haute définition et accueillera un habitacle de véhicule entièrement équipé, avec des systèmes de suivi des yeux et de la tête.

Plusieurs constructeurs disposent déjà d'un tel outil. C'est le cas de Daimler, qui a été le premier à l'avoir. Nissan vient de mettre en service le sien. Mais la différence, c'est que Renault va s'en servir pour la conception des véhicules autonomes, alors que son allié japonais l'utilise pour des tests. Un autre constructeur allemand, situé en Bavière, a prévu d'un commander un aussi.


Cette annonce est intervenue le jour même où s'ouvrait à Stuttgart la conférence DSC 2017 Europe VR (Driving Conference Simulation), organisée justement par Renault, avec la Driving Simulation Association et l'institut de recherche automobile FKFS de Stuttgart. J'y ai été invité par Andras Kemeny, l'expert du constructeur français, qui en est le chairman. A cette occasion, nous avons pu échanger sur l'apport des technologies en immersion, qui vont révolutionner à terme le quotidien des ingénieurs. La conférence a permis par ailleurs de mettre en avant des entreprises françaises, telles qu'Oktal, mais aussi Optis ou encore ESI Group.


Mais, pour en revenir aux véhicules autonomes, nous avons eu droit à des présentations exclusives. L'expert de Daimler, Hans-Peter Schöner, a par exemple expliqué qu'au-delà de l'intérêt de représenter des situations complexes, la simulation pouvait aussi permettre de rechercher les déficits fonctionnels des composants, et de travailler plus particulièrement sur le mode de reprise du contrôle du véhicule en mode manuel.

Renault est intervenu aussi pour évoquer des travaux avec l'institut SystemX et l'Université de Valenciennes. Ce que j'en ai retenu, c'est que le conducteur veut pouvoir intervenir pour forcer le système (mode over ride) pour reprendre le contrôle, s'il ne comprend pas ce que la machine est en train de faire ou s'il estime qu'il peut faire mieux.


L'intégration du facteur humain est essentielle. C'est ce que propose par exemple ESI Group, avec une approche cognitive, issue des travaux de l'IFSTTAR avec son programme Cosmodrive (Cognitive Simulation Model of the DRIVEr). L'idée est de se mettre à la place du conducteur et de détecter ce qu'il ressent et perçoit.

Pour avoir échangé avec l'expert-maison, Jean-Charles Bornard, l'idéal serait que l'intelligence artificielle agisse comme un ange-gardien, en laissant faire l'homme, et en agissant à sa place dès lors que la situation devient critique.


Mon instant préféré a été le keynote de Steve Shladover de l'Université de Berkeley. C'est un expert de la conduite autonome, qui a été en charge du programme de recherche California Path. Il a retracé l'historique de l'automatisation de la conduite (évoquée dès 1939 dans le cadre de l'exposition Futurama aux USA), rappelant que tout cela est déjà très ancien. Il a ensuite un peu refroidi l'atmosphère, en expliquant que la voiture autonome devait être capable de réagir en 0,1 s et qu'il fallait être prudent, en raison des risques de bugs non détectés lors de la conception. Il n'existe pas selon lui de technologie capable de vérifier que tout fonctionne correctement, rappelant au passage que des composants électriques peuvent lâcher. Les composants électro-mécaniques ne sont pas soumis à la loi de Moore. Tout cela pour dire que les véhicules 100 % autonomes ne pourront apparaître dans un premier temps que dans des voies réservées, avec des autos, des navettes, des bus et des camions.

Pour avoir échangé avec lui, et lui avoir demandé son avis sur ce que Waymo (Google) arrive à faire en simulation, avec 2,5 milliards de miles parcourus en mode virtuel, il m'a donné un chiffre intéressant. Les travaux sur le véhicule autonome n'occupent que 1 % des ressources informatiques de Google. C'est trois fois moins que pour la messagerie Gmail par exemple.


En tout cas, je repars de Stuttgart avec un petit gadget. Grâce à une application 3D AV Explore, créée par Renault et Scale1-Portal, avec l'aide de lunettes fournies par LIV (Laboratory of Immersive Visualization), on peut tester la conduite autonome sur un simple smartphone et se retrouver comme par magie à l'intérieur du véhicule.

Voir les photos de la conférence DSC 2017.