mercredi 29 juin 2016

Diesel : ce qu’on vous raconte et le monde réel

Hier, vous avez peut-être lu le dossier sur deux pages qu’a consacré Le Parisien sur le diesel. Un dossier qui annonce que les constructeurs abandonnent cette motorisation et vont se lancer dans l’électrique. De quoi semer le trouble chez les automobilistes et les inciter bien vite à s’acheter une ZOE toute neuve ou à acheter un pass Navigo. Le problème, c’est que ce n’est pas vrai. C’est un dossier sur mesure pour la mairie de Paris, qui peut ainsi légitimer son plan de restriction de circulation. Mais, il y a la réalité. Et elle est, comment dire, différente.


En fait, j’ai reçu un appel hier du Parisien. Un journaliste qui travaillait sur ce dossier m’a appelé pour me demander mon avis. Sa première question était : les constructeurs sont-ils en train d’abandonner le diesel ? Quand j’ai répondu non, j’ai senti comme une absence. Et mon interlocuteur semblait sincère, car il avait un angle d’attaque très clair et dicté sans doute par sa hiérarchie. Je lui ai patiemment expliqué la situation, en disant qu’il fallait distinguer le scandale Volkswagen et la technologie diesel moderne. Comme bien d’autres d’ailleurs, il était convaincu que le filtre à particules n’était pas efficace.

Il a été particulièrement surpris d’apprendre qu’un congrès international sur le diesel s’était tenu début juin en France. C’est celui qui se tient tous les deux ans à Rouen, à l’initiative de la SIA. J’en ai parlé sur ce blog. Je suis donc revenu sur ce congrès de haut niveau, où il faut faire l’effort de venir à Rouen et de parler anglais (deux handicaps majeurs, j’en conviens). Un événement où on a pu entendre, de la part de représentants de haut niveau des constructeurs et des équipementiers, que le diesel était toujours dans la roadmap et que sans lui il serait très difficile d’atteindre les 95 g de CO2 en 2021. Accessoirement, il a été dit que les ventes n’avaient pas bougé en Allemagne, la patrie de Volkswagen. Par conscience professionnelle, j’ai envoyé au Parisien le script de la table ronde où ces propos ont été tenus.

J’ai aussi évoqué la situation du Japon, où les ventes augmentent chaque année.

On a aussi parlé de l’électrique, évidemment. Et j’ai insisté sur le fait que ce n’était pas l’électrique à la place du diesel, mais électrique ET diesel (ainsi qu’essence et hybride). Un récent déplacement chez Mercedes m’a permis de constater cette tendance..

De cet échange est né un entretien du genre trois questions à, qu’on m’a même donné à relire.


Vous imaginez ma réaction quand j’ai découvert hier dans le journal l’inverse de ce que j’ai patiemment expliqué et surtout une interview* remplacée par celle de Ségolène Royal. Un grand moment, où notre ministre (que le monde entier ne nous envie pas) salue le courage de la maire de Paris (comme si elles étaient copines alors qu’elles se détestent), et révèle que seulement 6000 personnes en 1 an ont bénéficié de la prime de 10 000 € pour remplacer un vieux diesel par de l’électrique. Bien sûr, notre amie Ségolène veut que les industriels investissement massivement dans l’électrique, en espérant que l’industrie française pourra ainsi prendre les marchés de la Chine et de l’Inde (où on nous attend sûrement…).

Bref, de la com' politique. Du buzz. Du vent.

Quant à l’abandon du diesel, la thèse centrale du dossier, il repose sur une formule qu’aurait tenue le patron de Volkswagen, qui s’interrogeait sur le fait de continuer à investir ou non, et qui a été interprétée par un universitaire allemand qui est contre le diesel. Je n’ai pas souvenir que Matthias Müller ait dit ça lors de la présentation de la feuille de route pour 2025.

Les gens que je connais dans l’automobile ne sont pas étonnés. Entre ceux qui cataloguent le Parisien comme un porte-voix de la mairie de Paris, et ceux qui préfèrent ne plus répondre aux interviews, c’est une sorte de fatalisme qui s’installe.

Un peu plus de sérieux et d'honnêteté intellectuelle ne seraient pas du luxe.

*qui a néanmoins été publiée sur le site du Parisien.