vendredi 15 janvier 2016

Le dieselgate peut-il faire trébucher Renault ?

Depuis hier midi, le monde de l'auto est en ébullition à propos de perquisitions chez Renault qui pourraient signifier que le constructeur français a des choses à se reprocher en matière de dépollution. Pour le moment, rien ne permet de l'affirmer et la marque s'en défend. Avant d'aller plus loin, remarquons que tout est parti d'un... tract de la CGT. Dans un contexte de colère sociale, suite à la condamnation de syndicalistes CGT de Goodyear à Amiens qui vont aller en prison, dont Mickael Wamen qui est intervenu au Grand Journal*, on ne peut que s'étonner d'un tel timing.
Pourquoi révéler l'affaire une semaine après les faits, et non le jour même ? A un étudiant en journalisme qui me demandant mon avis, je lui ai répondu qu'il fallait toujours se montrer prudent et s'interroger aussi les motivations des sources qui donnent une telle info.

Sur Twitter, j'ai lu une autre hypothèse : celle d'un complot ourdi par François Hollande pour faire payer à Carlos Ghosn le bras de fer à propos des droits de vote doubles pour la participation de l'Etat. Peut-on imaginer le gouvernement faire baisser le cours de la bourse, alors qu'il n'a qu'une envie, récupérer les 5 % en plus dans le capital de Renault ?


Voyons à présent la réponse de Renault. Le constructeur a confirmé que la DGCCRF s'est bien rendue au Siège social (à Boulogne-Billancourt), au Centre Technique Renault de Lardy (Essonne) et au Technocentre de Guyancourt (Yvelines). Il évoque "un complément d'investigation sur pièce et sur site, qui a vocation à valider définitivement les premiers éléments d'analyse réalisés par la Commission technique indépendante".

Cette  Commission** - dite Commission Royal, du nom de la ministre de l'Ecologie - a été mise en place par le gouvernement français. Elle a pour objet de vérifier que les constructeurs français n'ont pas équipé leurs véhicules de logiciels équivalents à celui de Volkswagen.


"Dans ce cadre, poursuit la marque au losange, l'UTAC teste actuellement 100 véhicules en circulation, dont 25 véhicules Renault" (ce qui reflète sa part de marché en France). "A fin décembre 2015, 11 véhicules ont déjà été testés, dont 4 véhicules Renault, ce qui a permis aux pouvoirs publics français d'engager un dialogue nourri et fructueux avec l'ingénierie de Renault". Et le constructeur de conclure, à ce stade, que d'après la Direction Générale de l'Energie et du Climat (DGEC), qui est, au titre du ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, l'interlocuteur pilote de la Commission technique indépendante, la procédure en cours ne mettrait pas en évidence la présence d'un logiciel truqueur équipant les véhicules Renault.

PSA Peugeot Citroën, qui a également souffert en bourse de la défiance des investisseurs, a réagi par un communiqué. "Les résultats des tests (sur 208 et 508) réalisés par la commission technique nous ont été communiqués et attestent de l’absence de toute anomalie sur les véhicules de PSA Peugeot Citroën", affirme le groupe. Qui précise aussitôt "ne pas avoir fait l’objet d’une perquisition de la DGCCRF".

Ce qui est intéressant après, c'est la façon dont les deux constructeurs justifient leurs efforts en faveur de moteurs diesel plus propres.


PSA y voit la preuve de "l’efficacité du système de post-traitement « BlueHDi » composé de la Catalyse sélective (SCR) positionnée en amont du filtre à particules (FAP), permettant de traiter les oxydes d'azote (NOx) émis par les moteurs diesel. Cette technologie est déployée depuis fin 2013 sur tous les véhicules diesel Euro 6 du Groupe.


Pour sa part, Renault fait référence à son "Plan Emissions", qui aura pour objectif de renforcer la performance énergétique des véhicules. Il s'agit de ce plan, annoncé certes en décembre après le scandale Volkswagen, mais qui avait en vérité débuté avant. Depuis juillet 2015, le constructeur français travaille en effet sur un système amélioré d'EGR (système de recirculation des gaz) pour réduire l'écart des émissions de NOx entre les normes théoriques et la réalité.

Ce que je pense, c'est que Renault n'a pas fait le bon choix technique sur le diesel. Contrairement à PSA, il n'a pas voulu investir dans la catalyse sélective avec additif et a opté pour le NOx trap, moins cher et moins efficace. Le constructeur français, qui est censé avoir l'expertise en diesel par rapport au diesel, au sein de l'Alliance avec Nissan, et qui fournit en plus Daimler, a sans doute déçu un peu plus au passage Carlos Ghosn.


Un peu plus tard dans la journée, Ségolène Royal a apporté des précisions. Menés sur 22 véhicules, les tests de l'UTAC confirment l’existence de logiciels de fraude sur des véhicules Volkswagen, mais pas sur ceux  des autres marques. En revanche, ils montrent des dépassements des normes, pour le CO2 et les oxydes d’azote (sur des modèles concernant plusieurs constructeurs étrangers et un constructeur français). "Les tests doivent donner lieu à des éclaircissements, en lien avec les constructeurs qui se sont déjà dits favorables à la poursuite de ce travail", a précisé la ministre.

Renault a confirmé être prêt à échanger avec les membres de la Commission, la semaine prochaine. Il détaillera notamment son plan de 50 millions d'euros.


*Un grand moment de télévision, où un syndicaliste peut insulter un ministre sans jamais être contredit. Mais, si le Grand Journal était une émission d'information, ça se saurait.
**"Une commission technique indépendante regroupant les associations de consommateurs, les services des ministères de l’écologie, de l’industrie, et de l’économie, l’ADEME et des experts scientifiques", précise un communiqué en date du 1er octobre 2015.