mardi 11 août 2015

Sécurité routière : pourquoi ne parle-t-on jamais des infrastructures ?

Claude Got, Chantal Perrichon et Jehanne Collard* : voici le tiercé favori des médias qui n'ont pas grand chose à se mettre sous la dent en cette période estivale et qui, une fois de plus, cèdent à la facilité, en tendant leur micro aux incontournables "experts" qui n'ont qu'un discours : abaisser la vitesse. Tout est parti d'un rapport de l'Inspection Générale de l'Administration - qu'aucun des trois n'a rédigé - et qui pointe du doigt les limites de la politique actuelle de sécurité routière. Oui, il faut revoir l'organisation. Mais sans doute apporter d'autres réponses que ce discours simpliste porté par ceux qui rêvent d'exercer ce pouvoir (et qui se prennent pour le ministre).

Ce que je retiens de ce rapport, dont des extraits ont été cités dans le JDD, c'est qu'il faut "une collaboration interministérielle forte, notamment entre ministère de l'Intérieur et ­ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie". Et elle n'existe plus. J'ai constaté moi aussi, qui ai longtemps suivi ce dossier dans une vie antérieure, un "éclatement des responsabilités relevant du véhicule, des infrastructures et du comportement auparavant réunies dans une même direction". Le choix du ministère de l'Intérieur pour porter ce thème est une erreur.

Au moment de préparer une conférence sur la sécurité routière, lors du dernier Mondial de l'Automobile (où j'animais les conférences officielles), j'avais été choqué de l'ignorance des responsables de la Sécurité Routière. Ignorance par exemple sur les évolutions liées au véhicule (dont on ne parle jamais, vous avez remarqué), qui expliquent pourtant en grande partie les gains en matière de vies sauvées. De toute façon, le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, mis en cause pour son peu d'implication, s'intéresse à autre chose. Le parti pris est celui de la voiture propre (et en particulier électrique). Avez-vous déjà entendu Ségolène Royal parler de sécurité routière ? Moi jamais. Quand elle se déclare favorable pour abaisser à 90 km/h la vitesse sur les autoroutes qui traversent les villes, c'est uniquement pour réduire la pollution.

On ne parle d'ailleurs pas plus des infrastructures, que l'Etat n'a pas les moyens d'entretenir et qui a refilé le fardeau aux départements. Les routes sont en mauvais état ? La réponse est simple : il faut réduire la vitesse de 90 à 80 km/h, disent les "experts" autoproclamés. Dans son plan d'action, Bernard Cazeneuve ouvre pourtant de nouvelles pistes. Ainsi, la mesure 26 préconise de "fournir aux collectivités locales des outils pour les soutenir dans leurs démarches d’amélioration de la sécurité routière : guides techniques pour les encourager à réaliser, comme le fait aujourd'hui l’Etat sur son réseau, des audits de sécurité ; partage de bonnes pratiques".

Comme le disait en juin dernier Didier Bollecker, Président de l’ACA, lors de la présentation du budget de l'automobiliste "le parent pauvre de la sécurité, dans cette dernière décennie, est le réseau routier dans les domaines de l’entretien et de la modernisation. Privé de ressources, le réseau routier reste de loin le plus accidentogène des trois acteurs de la sécurité automobile (infrastructure, véhicule et comportement du conducteur) et le plus gros obstacle à une baisse plus rapide du nombre des accidents". On peut lire ici un texte sur l'état de la route.

Alors que la France va accueillir un Congrès Mondial sur le Transport Intelligent, en octobre prochain à Bordeaux, ce n'est pas très brillant.

Mais qu'importe, il est tellement plus simple de parler de vitesse, de radars et de téléphone... La machine à désinformer ne prend pas de vacances.

*qui envoie aux journalistes pratiquement un communiqué de presse par jour, notamment lorsqu'il y a des accidents.