vendredi 16 août 2013

Réflexions sur l'incompétence à la française : la pollution

Actuellement, les médias se passionnent pour la bataille des municipales à Paris. Il faut dire que la capitale est un concentré de plusieurs problématiques avec la réduction de la vitesse sur le périphérique, la volonté de réduire à 30 la vitesse en ville et d'éradiquer le diesel, tout cela dans le but d'améliorer la qualité de l'air. Autre élément à prendre en compte dans la réflexion : l'étude menée par Airparif (à la demande de la ville de Paris) et qui montre que la pollution a baissé depuis 10 ans (de 2002 à 2012). Un point dont se gargarise Bertrand Delanoë, qui estime que ce rapport valide sa politique anti-voitures. La réalité est plus contrastée, surtout quand on sait que Paris dépasse allègrement le taux de particules recommandé par l'OMS et connaît toujours un problème lié aux dioxydes d'azote (NO2).


Ce n'est pas un scoop d'écrire que le niveau de pollution diminue. Certains polluants (benzène, plomb) ont disparu en raison de l'évolution de la législation. Par ailleurs, qu'Airparif ou le maire de Paris le veuillent ou non, les progrès technologiques font que les véhicules* consomment et polluent moins. En 10 ans, les particules fines (PM10) ont diminué de 35 %, les oxydes d'azote (NOx) et le CO2 de 13 %.


Ce que dit Airparif : la baisse s’explique d’abord et surtout par l’amélioration générale de la qualité de l’air et les actions menées au niveau national et européen (trafic, chauffage, industrie). Ce n'est qu'ensuite que l'association met en évidence les aménagements réalisés dans Paris intra muros qui ont abouti à la diminution générale du trafic (-15 à -20%), "avec néanmoins des reports essentiellement sur des axes secondaires", et une diminution de la vitesse d’environ 2 km/h dans Paris (de 19 km/h à 17 km/h).


Ce que dit Bertrand Delanoë : "l’étude précise que ces résultats sont le fruit à la fois des aménagements mis en œuvre par la Ville de Paris (réduction de la vitesse sur les grands axes parisiens, création de « zones 30** », aménagements urbains limitant la place de la voiture, développement des transports en commun (+ 14 % d’offre bus et métro en 10 ans) ; création de Vélib et d’Autolib) et de l’évolution des nouvelles normes Euro appliquées aux véhicules". Ce n'est pas vraiment ce qu'écrit Airparif. C'est de la com'.


A ce propos, il est utile de préciser que la limitation à 30 km/h n'a aucun impact sur la pollution. Ou plutôt si, ce genre de mesure va exactement à l'inverse de l'objectif recherché, un moteur rejetant plus de polluants à 30 km/h qu'à 50. C'est sans doute une excellente mesure pour réduire (un peu) le bruit et le nombre d'accidents, notamment près des écoles. Mais, on ne peut pas justifier le 30 à l'heure partout par des questions écologiques. Alors que l'argument peut se défendre pour le périphérique.


Paris respire mieux. Par contre, la forte progression du diesel est venue atténuer cette spirale vertueuse. Que s'est-il passé ? Le parc diesel des véhicules particuliers dans Paris a progressé, passant de 41 % des kilomètres parcourus dans Paris en 2002 à 63 % en 2012. Il est d'ailleurs intéressant de noter que si les voitures ont diminué de 10 % en dix ans, la part des véhicules de livraison a progressé sur cette même période, la plupart étant des diesel et avec des niveaux de pollution plus élevés. Cela explique le niveau du dioxyde d’azote : un gaz irritant que les voitures diesel émettent plus qu’un véhicule essence de norme Euro équivalente.


La solution est donc simple : interdisons le diesel***. Sauf que ce n'est pas évident, ni vraiment pertinent non plus. Pourquoi ? Les véhicules diesel les plus récents (norme Euro 5) ont un filtre à particules qui règle le problème des particules, même les plus fines. Avec Euro 6 l'an prochain, la pollution des moteurs diesel sera équivalente à celle de l'essence au niveaux des oxydes d'azote (NOx). Le problème vient donc des vieux modèles, ceux qui sont âgés et non filtrés. Ce sont eux qu'il faut d'urgence renouveler, avec un dispositif d'aide plutôt que d'exclusion comme le prévoyaient les zones ZAPA (Zones d'Action Prioritaires pour l'Air). Car, évidemment, ce sont des ménages modestes qui roulent au gazole pour des raisons d'économie.


Le vrai problème est que Paris et la France globalement paient une politique incohérente. Comment peut-on demander aux français de renoncer au diesel quand, dans le même temps, le bonus malus continue de favoriser ce type de motorisation ? Tant que le système sera basé sur le CO2 et non les polluants, on continuera à avoir un marché déséquilibré. Certes, la part du diesel recule un peu de mois en mois, mais davantage en raison des rumeurs de rééquilibrage des taxes. Au lieu de laisser les politiques**** dire n'importe quoi, il vaudrait mieux avoir un discours rationnel et faire plus de pédagogie. Autrement dit, ne pas passer d'une logique du tout diesel à zéro et expliquer davantage quels les choix alternatifs.

Demain, je parlerai de la voiture électrique.

*Les voitures sont passées entre temps de la norme Euro 3 à Euro 5.
**Fin 2013, l’ensemble des voies de circulations aux abords des 1300 établissements scolaires (écoles, collèges, lycées) seront en « zone 30 ». Au total ce sont plus de 560 km de voies qui seront « apaisées », soit 37 % de l’ensemble des axes de circulation de la capitale.
***Pour répondre à ce genre de polémiques, voici d'ailleurs un blog que PSA vient de lancer pour recadrer le débat : http://www.pleinphare-leblog.fr/.
****qui montrent rarement l'exemple en matière de véhicules moins polluants.