mercredi 30 mai 2012

Le CEA et la filière hydrogène (4ème partie)

Pour ce quatrième et dernier volet, consacré à une filière méconnue par bon nombre d'automobilistes (alors, imaginez les politiques...), je vais vous parler des différentes formes du stockage à bord de l'hydrogène. Vous le savez, l'autonomie est bien supérieure (500 km aujourd'hui), par rapport aux batteries des véhicules électriques et le plein prend moins de 5 mn. Le carburant - même s'il faut parler plutôt de vecteur d'énergie - est stocké sous forme gazeuse dans l'automobile et on se dirige vers le stockage solide pour les véhicules plus lourds.



Pour le stockage gazeux, le CEA* a développé des réservoirs compatibles avec des pressions de service de 700 bars. La partie interne du réservoir (le liner), assurant l’étanchéité de l’hydrogène, est réalisée en polymère selon un procédé innovant de synthèse et transformation simultanées (brevetés par le CEA). La coque composite externe assure quant à elle la résistance et la protection mécaniques. Elle est constituée par enroulement filamentaire et utilise des matériaux issus de l’aéronautique comme les fibres de carbone haute résistance.
Ce type de réservoir satisfait aux normes européennes, à la fois en durée de vie (15 000 cycles de remplissage sans perte notable de propriétés), d'étanchéité (avec un taux de fuite 20 fois inférieur à la valeur demandée par la norme, qui est de 1cm3/L/h) et surtout de sécurité. Sur ce dernier point, qui suscite bien des interrogations, les réservoirs du CEA ont démontré leur résistance à des pressions internes supérieures à la pression d’éclatement fixée par la norme (1 575 bars, près de 2,3 fois la pression de service).


Le stockage liquide est plus confidentiel. On se souvient qu'il a été mis en avant par BMW, lors du développement de la Série 7 Hydrogen. Cette technique de stockage cryogénique offre aujourd’hui les meilleures performances en termes de masse et de volume (l'hydrogène occupe un volume de 0,38 litre/kWh). Mais, elle présente deux inconvénients importants : la liquéfaction est très gourmande en énergie et la sécurité des réservoirs est plus difficile à assurer (phénomène de boil-off** et fragilité des réservoirs). Rappelons que l'hydrogène liquide est stocké à 253 degrés et qu'il faut ensuite le réchauffer à bord. Une vraie usine à gaz !


Le stockage solide est une voie à plus long terme. Mercedes a communiqué sur ce point, lors de la présentation de son concept F125, lors du dernier salon de Francfort. Mais, la technologie semble pour le moment hors de portée dans l'automobile, en raison du poids des hydrures. Le CEA-Liten développe des réservoirs pour des applications dites lourdes, par exemple pour les gros engins agricoles ou les bateaux. Un prototype de réservoir contenant près de 2 kg d’hydrogène a ainsi été réalisé et testé fin 2011, en collaboration avec la société AGCO sur un tracteur. La chaleur de la pile à combustible, à environ 60°C, suffit à libérer l’hydrogène du réservoir. Le CEA souhaite développer une filière industrielle de matériaux hydrures bas coût. Ces matériaux, souvent historiquement développés pour des applications métallurgiques de pointe, sont en effet encore trop onéreux. C'est la raison pour laquelle le CEA recherche également de nouveaux partenaires industriels pour lancer une première filière française de réservoirs embarqués pour véhicules lourds.

*Dans son centre du Ripault, près de Tours, où il a mis en place une plateforme de transfert de technologies baptisée Alhyance, sur laquelle sont réunies toutes les compétences et techniques pour la fabrication des réservoirs composites haute pression. Cette plateforme permet également de procéder aux tests de performances et de sécurité des réservoirs d’hydrogène.
**Fuite par évaporation